La vie quotidienne a évolué sur la colline de la Garde au début du XXe siècle, lorsque les anciens cabanons sont devenus des résidences principales; les habitants se sont peu à peu adaptés aux progrès naissants, aussi bien dans les domaines du feu (chauffage et cuisson), que celui de l’éclairage (du gaz à l’électricité) et de l’eau (toilette, lessive, assainissement).
le feu
Sur la colline, chaque habitation possède au moins une cheminée (alimentée par du bois) qui sert non seulement au chauffage mais encore à la cuisine, à la lessive (d’où le nom de « foyer » utilisé pour désigner une famille).
Bois et charbons sont livrés à domicile. https://la-butte-bompard.fr/2023/12/13/bois-et-charbons/

Le ramonage des cheminées est obligatoire. Il est assuré par les marchands de charbons et les plombiers (ramoneurs agréés comme le prouve ce certificat daté de 1958).

La bassinoire remplie de braises tirées de la cheminée, est passée entre les draps afin de réchauffer le lit. Celle ci-contre a été utilisée par la famille Filippi à la rue du Soleil à la fin du XIXe siècle et ce, jusqu’à ce que l’installation d’un chauffage central (alimenté au charbon) soit possible.
la cuisine

Le « potager », espace consacré à la cuisson des aliments, est un bâti recouvert de carreaux rouges vernissés. La « trémie » en forme de pyramide renversée reçoit, à l’origine, les braises tirées de la cheminée, puis, plus tard, le charbon de bois.

Le réchaud à gaz. Lorsque le gaz de ville alimente le quartier, le réchaud prend naturellement place sur le potager; appareil en fonte émaillée, il comprend deux bruleurs (un lent et un rapide) ainsi qu’un four et un grilloir.

L’eau recueillie dans la citerne doit être pompée pour monter jusqu’à l’évier en pierre de Cassis. Pour la rendre potable on la fait passer dans un filtre en terre cuite. Elle est ensuite mise à rafraîchir dans des bouteilles plongées dans la citerne.

La gargoulette permet de garder l’eau au frais ; ce vase en terre poreuse est suspendu dans un endroit frais et bien aéré, souvent entouré d’un linge humide pour une meilleure efficacité. Sur un rebord de fenêtre plein nord, un beurrier, lui aussi en terre, garde au beurre sa fraîcheur grâce à un couvercle à double paroi.
l’éclairage

Impasse Bec, avant l’arrivée de l’électricité, la famille Raffin dispose d’un éclairage au gaz pour la cuisine (bec de cane ci-contre) et la salle à manger (suspension à crémaillère) ; les chambres ne sont pourvues que d’un bougeoir, puis d’une lampe Pigeon (ci-contre).
Le gaz et l’électricité arrivent progressivement dans le quartier; le boulevard tout d’abord, puis toutes les rues qui l’entourent.

la toilette
La toilette se fait à la pile (évier en pierre de Cassis). Le luxe est d’avoir un ensemble de toilette : tian et pichet en porcelaine décorée sur un support en rotin.
Mais l’arrivée de l’eau de la Durance change beaucoup de choses : on installe des cuves à eau dans la soupente, la pompe est supprimée et le filtre « Pasteur » avec sa bougie en porcelaine prend place au-dessus de l’évier. Lavabos et baignoires remplacent les tians et les tubs en zinc.

les bains publics
En 1883, le nombre de bains publics pour toute le ville est de 23, on en compte 3 seulement sur la colline entre St Lambert et Endoume.

les commodités
Les commodités sont très sommaires au début du XXe siècle : une petite cabane au fond du jardin…c’est le « pâti » composé d’un siège en planches posé au-dessus de la fosse. Les enfants contraints de se tenir debout, en équilibre sur la planche percée, ratent souvent le trou et les mères nettoient le lieu à grands seaux d’eau puisés dans un bassin voisin. Lorsque la fosse est pleine, les hommes creusent un trou dans la campagne, y déversent le contenu nauséabond et le recouvrent de terre.
Dans la campagne Bec, le jour de la communion de Pierre Delrieu, Georges Fanelli a posé le pied sur cette terre trompeuse et s’est retrouvé crotté et puant…Il fallut le laver entièrement dans le grand tub en zinc. Souvenirs de M L Raffin.
Le terme « lieu » est encore utilisé par les anciens, remplacé peu à peu par » toilettes »; en ville il y a tout d’abord des « lieux d’aisances », renommés par la suite « toilettes publiques ».
Des petits carrés de papier découpés dans le quotidien régional et retenus par une ficelle pendent au mur longtemps encore après la mise sur le marché du papier hygiénique brun (par souci d’économie, surtout durant les deux périodes de guerre).

Assainissement et égouts. Suite à l’épidémie de choléra de 1888, nait le projet d’un égout pour Marseille en 1890. Les travaux du grand collecteur débutent en 1891 pour s’achever en 1897. Les riverains du bd Bompard commencent à se raccorder par choix dès 1899, puis par obligation soixante ans plus tard. Quelques maisons n’ont jamais pu être reliées au réseau à cause du relief.
Jusqu’à l’arrivée de l’égout, les fillettes du « plateau Bompard » assistaient périodiquement à la vidange des fosses sceptiques de leur école; le contenu nauséabond était transvasé dans des tinettes, puis porté à dos d’homme jusqu’à un camion-citerne récupérateur garé sur le boulevard Bompard.
Les jardiniers amateurs du quartier n’hésitaient pas à puiser dans leurs fosses cet engrais providentiel et bon marché.
la lessive

Sur la colline, de nombreuses blanchisseuses travaillaient : rue Perlet, rue Turcon, rue Ste Eugénie, bd Amédée Autran (plusieurs fois évoquées dans le livre de G.H.Gimmig « La maison assassinée »).

Les devantures des drogueries du quartier rappelaient que le seul en usage pour bien nettoyer le linge était le Savon de Marseille; (l’industrie savonnière est l’apanage du grand port méditerranéen aussi loin qu’on remonte dans le temps). https://la-butte-bompard.fr/2023/11/27/les-industries-huileries-et-savonneries/
Rue Ste Eugénie, 1930, devant la droguerie, la « réclame » d’un savon.

D’autres marques de « savon de Marseille » : l’Abeille, le Fer à Cheval, l’Abat-jour, le Naturel, le Rationnel, ornent la devanture de l’épicerie Chaillol, 185 rue d’Endoume, en 1905.
La bugadière, « per colar la bugade« .

A la fin du XXe siècle étaient visibles quelques vestiges de ces bugadières » : rue Pierre Blancard, un petit bâti au bas d’une grande propriété; rue Peyronnet, dans un petit local proche du lavoir était conservé dans un jardin, un âtre muni d’un conduit directement relié à l’extérieur, évacuant la fumée et la vapeur d’eau qui sortaient du chaudron en fonte.

La lessiveuse. L’eau additionnée de cendres qui pouvait bouillir longuement sur le feu de bois était encore utilisée avec la lessiveuse qui chauffait sur la gazinière : dans cette cuve en tôle galvanisée, un « champignon » assurait la circulation d’eau bouillante additionnée d’un produit détersif. https://la-butte-bompard.fr/2023/11/30/les-industries-produits-detergents/

L’essoreuse à rouleaux, composée de deux rouleaux en caoutchouc, a équipé les premières machines à laver le linge dans les années 50; c’était un réel progrès pour les ménagères, bien que passer un drap entre les rouleaux tout en tournant la manivelle demandait parfois un certain effort ! Image Larousse ménager 1955.
