De nombreux ouvrages traitent des traditions de Noël en Provence, évoquant crèches, santons, messe de minuit ou treize desserts…Je me suis arrêtée sur « La Provence merveilleuse des légendes chrétiennes aux santons », car cet ouvrage présenté par Albert Detaille et préfacé par Jean Giono contient des textes de Paul Arène, Horace Bertin, Marius Dubois (fondateur du Vieux-Marseille), Elzéard Rougier, Emile Ripert, André Bouyala d’Arnaud (Conservateur de la Bibliothèque de Marseille), Noël de Roumanille, Frédéric Mistral, textes accompagnés de nombreux dessins de David Dellepiane, le peintre des santons.

La crèche
Dans les familles marseillaises la crèche est mise en place traditionnellement le 24 décembre. Le décor comprend toujours une colline, un pont qui enjambe un petit ruisseau, un puits, un moulin, quelques maisons et l’étable. Les personnages principaux (que l’on retrouve dans les Pastorales) occupent le premier plan : Pistachier, le meunier et son âne, l’aveugle et son fils, les bohémiens, la poissonnière, le berger et ses moutons, le chasseur; les rois arrivent le premier dimanche de janvier. Tous ces personnages sont vêtus comme à l’époque de leur création. Tout ce petit monde retourne dans sa boite en carton le 2 février, jour de la Chandeleur (d’après Marius Dubois qui fait référence dans son article à l’étude très fouillée d’Elzéard Rougier et à Marcel Provence qui a exalté les santons en termes choisis et vibrants).
Noël
Noël c’est la fête de la famille et de l’âme; il n’entre rien de physique en son allégresse. Alors que la nature est endormie, l’âme s’éveille et chante, malgré la tristesse des plus courtes journées. Autour de la buche traditionnelle, la famille se resserre, oublie un instant ses soucis avec ses petites querelles et chante la divine naissance. Émile Ripert
La tradition de Noël

Le peintre et le poète des santons
« David Dellepiane et Elzéard Rougier se connaissaient depuis des années. Mais une veille de Noël, s’étant rencontrés aux Allées de Meilhan, devant un étalage de santons, ils découvrirent une vénération commune pour les humbles personnages d’argile qui leur souriaient, paisiblement alignés sur de blanches étagères. Le poète accompagna le peintre dans son atelier et là il eut une des plus belles révélations de sa vie. Les petits santons qu’il adorait et dont il avait chanté l’épopée venaient d’entrer dans l’art pictural ».
David Dellepiane, le peintre des santons
« Mon évolution vers le santon date de 1914. veille de Noël; tandis que je terminais ma crèche j’eus, ce jour, l’idée de dessiner les santons qui figuraient à l’étable sainte. Après avoir dessiner quelques croquis, j’eus l’impression d’une révélation, impression que je n’avais jamais ressentie devant les alignements sans ordre des santons de la foire. Le santon il faut avant tout l’observer avec attention et se rendre parfaitement compte que la gaucherie et la maladresse -mais seulement en apparence- du façonnier, accompagnés de cette émouvante naïveté lui donnent un style particulier, bien à lui et qui évoque l’art des primitifs « .

« L’imagier des santons, comme il se nommait lui-même, a sa place parmi les meilleurs propagandistes de la foi provençale et des meilleurs ouvriers du maintien de ses traditions ». Emile Isnard.
Elzéard Rougier, historien et poète des santons, des crèches et des pastorales « Sans lui, les petits santons n’auraient pu être ce qu’ils sont » écrivait Eugène Laplace en 1932. Il écrivit en hommage à ces petits personnages qu’il aimait tant : La petite histoire des santons, La guerre colossale et les petits santons, Nouvelle petite histoire des santons, La chameauchée des rois mages, La ville des santons illustrée (recueil de ses articles. parus dans la presse marseillaise).

Elzeard Rougier décédé le 12 décembre 1926 et de David Dellepiane le 25 juin 1932 ont laissé trace de leur passion commune pour le petit monde des santons jusque sur leur tombe.
Dans ses dernières volontés Elzéard Rougier demanda à ses amis de disposer ses santons sur sa tombe. Ils furent hélas rapidement dérobés par des individus sans scrupules.
Dans le cercueil de David Dellepiane, répondant aux voeux de l’imagier, fut déposée une petite crèche avec ses principaux personnages.
Les santons entrent au musée
Dans son livre posthume, « La ville des santons illustrée », Elzéard Rougier, suite à plusieurs visites faites en 1924-1925 « à la vitrine des santons » au Palais Longchamp, affirme que « le santon appartient à l’art, c’est incontestable. Mais il a fallu cent ans pour que fût acceptée cette vérité de La Palice ». «
La vitrine du Palais Longchamp disparut; ses santons subirent plusieurs déménagements avant de trouver place au musée du Vieux-Marseille, tout d’abord dans un bâtiment au Parc Chanot, puis en 1967 dans les vitrines de la Maison Diamantée. En 2007, nouveau transfert des crèches et santons dans les réserves des musées de Marseille, à la Belle de Mai, à l’exception de quelques santons et de deux crèches exposés au Musée d’Histoire de Marseille.
La collection originelle établie Jean Amédée GIBERT (ethnologue, directeur des musées de Marseille de 1932 à 1945) comprenait plus de deux cent quarante-cinq santons choisis entre 1917 et 1919 sur la Foire aux santons, allées de Meilhan, et produits par seize familles de santonniers.
Du XXe au XXIe siècle

