L’art de la gravure a pris un certain essor à partir de la Renaissance; il avait deux fonctions : la diffusion des créations artistiques et la diffusion des idées.

C’est pourquoi ne voir aujourd’hui dans une gravure qu’une représentation fidèle des lieux est une erreur; le graveur travaillait d’après un croquis qui était déjà une libre interprétation du sujet qui lui était commandé.

Interprétation et représentation d’un même sujet

Sur la gravure intitulée « Château du Pharo », le graveur(Bescherer-Delcroix) a donné une représentation fidèle de l’architecture des bâtiments et des grilles, mais il a certainement modifié l’emplacement du château dans un but d’information (parution dans un livre ou une revue).

La carte postale datée 1920 provient d’un tirage photographique sur lequel le château (renommé palais) n’est pas visible depuis l’entrée du parc, conformément à la réalité.

Gravure d’après croquis et photo

L’apparition de la photographie a obligé les artistes à présenter des croquis plus précis qu’auparavant lorsqu’ils avaient pour but l’information.

Ainsi cette gravure destinée à la revue « L’Illustration » est une représentation fidèle du « Pont de la Fausse-Monnaie »; elle a été exécutée à Paris par le graveur Blanchard, d’après des croquis envoyés par le conservateur du Musée des Beaux-Arts de Marseille, Paul-Louis Bouillon-Landais (qui a fait de fidèles copies de la photo prise en 1864 par le Marseillais Adolphe Terris). Sur la gravure, une grossière erreur a cependant été commise, non par le graveur mais par l’imprimeur de la Revue parisienne : il ne s’agit pas du pont du vallon des Auffes, mais celui de la Fausse-Monnaie !

Les interprétations en peinture

Le constat qui a été fait pour les croquis et les gravures, différence entre interprétation et information qui a été montrée pour les gravures, peut aussi se voir dans les tableaux peints « sur le motif » (qui sont des œuvres d’art et non de la documentation utile) .

L’œuvre intitulée « La pointe Policard » due à Prosper Gresy ou Emile Loubon a posé question sur les réseaux, car s’il a bien existé une guinguette portant ce nom sur les terrains du Pharo, aucune pointe Policard ne figure sur les plans de la ville avant la construction du Palais Impérial.

Une photo d’Édouard Cornet datée de 1903-1905, représentant la falaise en dessous du palais du Pharo (correspondant aux terrains possédés par Policard), semble avoir inspiré le tableau ci-contre.

La composition de ce tableau n’est pas, on le voit, une copie fidèle du site ayant inspiré l’artiste, mais une recomposition !

Même constat pour le tableau de Georges Braque intitulé « Viaduc à l’Estaque », qui offre une vision cubiste du paysage dans laquelle on ne peut identifier chaque maison.

Le viaduc de l’Estaque : rêve 1908 et vérité 2025.

Une interprétation très bucolique de La « Petite Ourse » (maison qui domine l’anse de Maldormé) figure dans la BD de Julia Bernat « Marseille ma belle » .

Séduisant les promeneurs, cette maison jaune présente cependant beaucoup moins de charme dans les nombreuses photographies qui font d’elle une vedette !

Un titre qui porte à confusion

Une gravure de Marius CLEMENT conservée aux Archives municipales de Marseille s’intitule « Partie du fort St Nicolae, vue de la porte P ». Ce qui donne lieu à une mauvaise interprétation de l’image: la plupart de gens croyant que le bâtiment qui y figure est le fort St Nicolas.

La comparaison avec une photo que j’ai prise depuis le Port de Plaisance ne laisse aucun doute : la gravure représente le fort St Jean vu depuis la base du fort St Nicolas ; ce que confirme la légende qui accompagne la gravure aux Archives !

légende accompagnant la gravure

La gravure mentionne « vue de la porte P »; cette porte n’est pas visible actuellement à cause de travaux, mais apparait sur des vues anciennes.

La porte P en 1950

Les gravures contemporaines

De nombreuses gravures contemporaines représentant Marseille sont des œuvres d’art.

Line Art Vecteur. DepositPhoto

On ne peut leur opposer les nombreuses photographies de la ville…. A chacune leur rôle.

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