Une peinture tenace… quelques vieilles lettres…tout ce qu’il reste d’une administration ayant siégé dans le quartier Saint-Victor.

de « l’herbe à la reine » au « nicotina tabacum »
Les premières graines de tabac (solanacée originaire de l’île de Tabago) furent rapportées en 1520 au Portugal où elles ont été semées quelques années plus tard. Jean Nicot, ambassadeur de France à Lisbonne découvre les vertus curatives de cette plante (« petun » en brésilien) qu’il cultive dans son jardin. En 1561 il envoie quelques sachets de feuilles réduites en poudre à Catherine de Médicis pour traiter les migraines de son fils. Suite aux excellents résultats obtenus, la reine introduisit à la Cour l’usage de cette médication qui prit tout d’abord le nom de l’herbe à la reine, puis herbe sainte, herbe à tous les maux.
Les apothicaires vendaient le tabac sous forme de poudre destinée à soigner les douleurs, les ulcères, les maladies des bronches et des poumons, les problèmes circulatoires et aussi pour apaiser la faim ! Mais ces vertus thérapeutiques furent peu à peu mises en doute. L’usage du tabac sous forme de « pétard » ramené par les compagnons de Christophe Colomb au début du 16e siècle connut aussi sa mode et son rejet.
Ainsi Rodrigo de Jerez, premier fumeur de cigares européen, fut accusé de sorcellerie à cause de la fumée qui sortait de sa bouche et de ses narines; elle effrayait ses concitoyens, car elle ne pouvait être, pour eux, que l’œuvre du diable ; il fut pour cela emprisonné à Ayamonte par l’Inquisition. Le pape URBAIN II en 1590 menaça d’excommunier quiconque fumerait dans un édifice religieux. URBAIN VIII en 1642 dénonça quant à lui les « humeurs dégoutantes que le tabac provoque » et interdit « à tous en général et à chacun en particulier de prendre du tabac soit en le mâchant, en le fumant ou en poudre par le nez, si quelqu’un contrevient à ces dispositions qu’il soit excommunié ».
En 1809 Louis- Nicolas Vauquelin découvre le principe actif du tabac : la nicotine ; le tabac est appelé nicotina tabacum en l’honneur de son « inventeur« .
la Ferme des Tabacs
Les gouvernements voyant qu’ils ne pourraient empêcher l’usage du tabac prirent le parti d’en tirer une source de revenus. Un monopole concernant la fabrication et la vente des produits issus du tabac est créé en 1674 par Colbert : « la ferme des tabacs ». Les bénéfices de ce monopole profitent à l’État. Le tabac est alors utilisé comme médicament sous forme de poudre; il est par la suite fumé par plaisir avec des pipes (la cigarette ne sera « inventée » qu’entre 1830-1840).
En 1790, l’abbé Maury souhaite faire supporter les 30 millions de livres d’impôt indirect que rapporte annuellement la taxe sur la consommation du tabac aux seuls consommateurs (dont beaucoup de femmes et d’enfants !)
Marseille est alors l’un des principaux ports d’importation du tabac. Pour traiter les feuilles, la Ferme aménage un de ses ateliers à l’angle des rues Paradis et Vacon .
la manufacture marseillaise
En 1811, Marseille est choisie parmi 16 autres villes de France pour devenir le siège d’une Manufacture des tabacs. L’administration siège au 137 rue Sainte et les magasins à la rue Saint-Maurice.


Le descriptif des bâtiments, rue Saint-Maurice, précise la destination de chaque salle;
au rez-de-chaussée : A.A. magasin où est la machine du haché; B. magasin où descend l’arbre de la machine du frisé; C. magasin où est la meule à aiguiser les couteaux
au premier étage : A. magasin pour l’approvisionnement du frisé; D.E. magasins où sont les séchoirs et une table où on frise le tabac, et un autre où on passe le haché; S. table où on coupe les têtes des tabacs; 7. machine du frisé; 8. table où on mouille le tabac; 9. presses.
Historique de cette rue : https://la-butte-bompard.fr/2024/09/14/rampe-saint-maurice/
de Saint-Victor à la Belle-de-mai

En 1861, les bâtiments de la rue St Maurice sont abandonnés, l’État ayant acquis un terrain à la Belle-de-Mai.; en 1868 les ateliers de la rue Sainte sont aussi transférés dans les nouveaux locaux.
le traitement du tabac
Dans le Larousse Universel 1934, une planche montre toutes les étapes du traitement du tabac dans une manufacture :

la culture du tabac
Le tabac est importé depuis le « Nouveau Monde » jusqu’en 1637 ; Richelieu, ministre de Louis XIII, décide alors la création de sa plantation en France (Lot et Garonne, Lorraine et Normandie).
La culture du tabac est interdite dans toute la France au XVIIe siècle. La liberté de cultiver du tabac est instaurée en 1791. Le tabac envahit le monde. Colbert, ministre sous Louis XIV, instaure le monopole de l’état sur la vente du tabac et sur sa fabrication. Le monopole de l’État sur le tabac est supprimé lors de la révolution de 1789 et rétabli en 1811 par Napoléon 1er.
En 1934, la culture du tabac est autorisée dans 25 départements sous la surveillance de l’administration des contributions indirectes, qui fournit la graine aux cultivateurs, en choisissant elle-même les variétés et déterminant le nombre de pieds à l’hectare (10000 à 40000) et le nombre de feuilles à laisser sur chaque pied (8 à 15).

